Dimanche 10 mai 1998.
Verdures. Inévitablement, ou presque, comme la plupart d'entre nous, je vais vieillir. C'est déjà commencé, évidemment. Mes traits ne sont pas les mêmes qu'il y a deux ans, je suis beaucoup moins résistante au manque de sommeil que je ne l'étais. Je partage mes sentiments avec moins de personnes. Enfin, je change... Justement, l'autre soir, nous étions quelques uns à prendre une dernière bière avant la fermeture du bar, de jeunes et de vieux militants. Il y a bien sûr eu querelle sur le nombre de personnes que chacun a réussi à entraîner dans la rue, et sur d'autres petites rivalités très inoffensives. Mais voilà, je me suis demandé ce dont j'aurais l'air, moi, dans trente ans, face à une gang de p'tits jeunes dans mon genre qui menaceraient de faire encore une fois la révolution, mais d'une autre manière. Une seule chose est certaine: c'est comme ça que je voudrais vieillir. Avec un beau grand sourire et les joues roses. Avoir un vrai jardin, avec des légumes et des œeurs et de la terre, comme ces femmes d'Assesse, importe peu. C'est sans doute celui que j'aurai dans la tête qui sera le plus important, et le plus verdoyant aussi. Brigitte Gemme |